Je savais qu'en montant dans cette voiture, ma vie allait changer. Je savais qu'en démarrant, il n'y aurait plus d'échappatoire. Et je savais qu'en quittant New-York pour m'aventurer sur cette route interminable, je tirais un trait sur mon passé. Nous vivons tous un moment de doute dans notre vie. On se remet en question en se demandant si nous avons réellement fait les bons choix. Nous avons tous envie d'un moment d'évasion, envoyer tout balader pour quitter cette vie lassante et répétitive. Rouler droit devant sans jamais s'arrêter. Rouler, sur des milliers de kilomètres. Rouler, sans regarder en arrière. Rouler, et être libre. Rouler et encore rouler. Nous avons tous au fond de nous, cette envie qui nous ronge jusqu'à nous faire fléchir. Pourquoi ne pas tout simplement y céder ? Ils savaient que c'était une mauvaise idée. Ils savaient que j'allais finir par revenir, plus un sous en poche et une tête pleine de remords. Ils savaient que j'allais tout simplement finir par rentrer à New-York, reprendre ma vie de citoyen modèle et bien rangé. Ils le savaient et pourtant, ils n'ont rien pu faire pour m'en empêcher. Parfois, l'envie de tout plaquer est tellement forte qu'il est impossible d'y résister. Mais au fond, c'est peut-être ça la vraie vie.

Santa Rosa, 2744 habitants. Cette ville qui couvre une surface de seulement onze kilomètres carrés a connu son heure de gloire dans les années cinquante lorsque l’Amérique se relevait économiquement de la Deuxième guerre mondiale. Traversée par une ribambelle de camions de fret, par des dizaines de voiture menant des jeunes de tout l’Etat d’une côte à l’autre, les motels y ont pullulé tout comme les bars, les garages automobiles et les restaurants. Puis le train s’est développé jusqu’aux fins fonds du Nouveau Mexique, les avions ont commencé à transporter des marchandises et la ville a été délaissée. Aujourd’hui il n’y reste plus que des ruines, des bâtiments abandonnés et une poignée de personnes pour tenir les établissements restants. Le quart de la population a moins de vingt-cinq ans, ils ont tous fréquenté la même école, le même lycée, et aujourd’hui partagent le même rêve : quitter Santa Rosa. Il n’y a plus beaucoup d’espoir pour cette petite bourgade qui meurt à petit feu. Tu es né poussière et à la poussière tu redeviendras.