Le plus grand désespoir de ma vie a été quand j’ai échoué. Jusque –là ma vie a été rudement simple et heureuse, je conduis des poids lourds depuis l’âge de dix-sept ans, j’suis rodée, on roule pour payer sa bouffe, son loyer inutile, et des vacances aux parents, moi je roulais pour le plaisir de contrôler ma machine, ce camion c’était mon cadeau d’anniversaire, mais j’ai dû le laisser chez Papa avant de partir pour l’enfer.

5:00, Yellowknife, Grand Nord Canadien.
Ce que Janey Terbilt fichait ici ? Enroulée dans trois sweat-shirts de couleur dans une grosse salopette jaune, les cheveux nattés et un gros bonnet péruviens sur la tête ? Elle allait saisir sa chance de prouver une bonne fois pour toute que conduire était une seconde nature pour elle. Mais franchement -37°C c’était un enfer de froid, franchement pas habituée elle ressortait du dispatching, régulateur des routes de glaces. Oui de glaces, ces routes composée de glace surplombant les abysses des eaux les plus froides qu’elle connaisse. Janey le savait, Janey le craignait aussi, mais Janey devait convoyer son premier fret vers la mine d’Ekati. Loin, froid, fatigue, diantre on s’en fou ! On avance ! Mais en soi même Janey savait parfaitement que ce voyage se finirait mal, même si la météo ne disait rien de tel.
« …La route de glace est donc rouverte, bonne route à tous et maintenant musique !... »
Janey pris la route, conduisant sa cargaison de 19 tonnes de quadrillage de ferraille. Sentir la glace craquer sous le poids d’un mastodonte de fer et de puissance, sentir les chevaux vapeurs rugir et piaffer sous l’accélérateur, mais se raisonner en sentant la glace faire des bruits terrifiants et beaux à la fois. Prouver qu’elle était capable de faire aussi bien qu’un homme, prouver qu’elle le pouvait. Le prouver à tous ces imbéciles, que le sexe n’a aucun rapport. Contrairement à son ressenti elle était très joyeuse d’être là et d’observer l’étendue de glace, sandwichée entre deux camions. En tant que débutante, sur les routes de glace pas dans les camions, elle se faisait chaperonner. L’argent par conséquent n’était pas sa seule motivation. Son CV tenait en quelques mots : Janey, quasi 20 ans à conduire des poids lourds, forcenée au travail, célibataire et déterminée bandes de sales machos. Ça avait fait rire beaucoup de monde… Et continuait à en faire rire. Décharger seule était pas uniquement un bizutage mais aussi presque obligatoire, mais en repartant elle se rendit compte que le convoi ne l’avait surement pas attendue… Pas assez rapide, pas assez appâtée par le fric, donc pas assez efficace. Et son retour des mines se passa très mal, son camion faillit couler avec elle a son troisième et dernier voyage, et elle ne gagna pas assez d’argent malgré son travail honorable, miss Holmes, du dispatching lui conseilla de repartir, et dépitée elle le fit simplement.
Cependant elle passe environs huit minutes chez son père, le temps de rassembler des vêtements, de faire le plein et de partir. Être libre, aller loin, rouler juste pour évacuer son échec en fumée, faire des voyages, des pleins de plus de cent litres, siphonner des camions amis, et oublier. C’est moche.

“ three hundred seventy nine, three hundred seventy nine, Hey Jay ! I see your ugly face in your stupid Mack, what’s up on the forty-nine road ? ”
“ hey Lucy ! No, nothing, just on patrol on the way to New Mexico !”
“ thanks Jay, and Adios !”

Je suis sur la route, je m’arrêterais pas, j’men irais pas livrer, je larguerais cette stupide remorque en route et je piétine toutes mes bonne résolutions, qu’elle idée stupide ! Je vais faire une longue pause tout en roulant, et en réfléchissant, j’aurais qu’à aider des gens, ce seras simple, utile et ça permettras à mon tracteur de se reposer. J’aurais qu’a faire une pause, ouais, ça fait plus d’un an et j’ai pas digéré, ça craint. Holy shit, im gone, not on the syxty six road, im gone on my only way, way of peace, peace of mind.

Janey appuya sur la pédale d’accélérateur en actionnant les trompes du Peterbilt, les faisant hurler tandis que le soleil se levait avec une joie irritante pour Janey. Janey sourit, alluma une cigarettes et monta le son de l'autoradio. Sweet Homme Alamaba, where the sky are so blue ! Et en chantant à tue tête de sa voix un peu rauque Janey décida que cet aire de repos serait parfaite. Et d'un violent coup de volant elle fit dévier l'énorme mastodonte de métal vers l'aire.

Spoiler: