« Il est mort. » Malory écarquilla les yeux en posant une main contre sa bouche. « Mais non, il ne peut pas.. » « Si, c'est terminé. Vous l'avez tué. » La jeune femme faillit perdre connaissance, sous le choc. Elle s'approcha du lit et toucha le macchabée, le secouant légèrement pour qu'il se réveille. En vain. Le médecin avait raison, il était bel et bien mort et n'allait pas se réveiller. Elle l'avait tué. C'était elle la seule fautive dans toute cette histoire. Elle s'était trompée, et cette erreur avait été fatale. Combien de fois lui avait-on répété pendant ses études que la moindre erreur pouvait coûter la vie ? Combien de fois lui avait-on répété de vérifier les dosages à chaque fois ? Il n'avait suffi que d'une seule fois pour que son inattention prenne le dessus sur les événements. La blonde prit une inspiration pour s'empêcher de pleurer. C'était la première fois qu'elle ressentait un tel sentiment de culpabilité. La première fois qu'elle se maudissait autant. Le médecin se tourna vers elle et secoua légèrement la tête. Il ramena le drap sur le visage du patient désormais sans vie et appuya sur un bouton pour appeler le reste des infirmières. « Que va-t-il se passer maintenant ? » Demanda-t-elle inquiète. Si on la poursuivait en justice, elle allait se retrouver en prison. Une éventualité qu'elle préférait ne même pas envisager. « Il faut avertir la famille. » Malory se pinça les lèvres. Jamais elle n'allait pouvoir affronter le regard de ces gens s'en ciller. Elle ferma un instant les yeux pour essayer de chasser ce cauchemar qu'elle était en train de vivre. Quand elle les rouvrit, elle constata sans grande surprise que rien n'avait changé. Pas même la position de son supérieur penché sur la feuille de soins. Il n'avait pas l'air énervé. Il affichait son éternel masque d'impassibilité, ce qui était pire que la colère pour la jeune femme. Elle aurait tout donné pour pouvoir effacer son erreur. Retourner en arrière et ne pas se laisser distraire par le téléphone de service. « Est-ce que.. Je peux faire quelque chose ? » Il releva légèrement la tête et répondit d'un ton neutre : « Ne pensez-vous pas en avoir fait assez ? » Malory soupira d'angoisse et avala sa salive en se mordant la lèvre inférieure. Elle n'était qu'une idiote incapable de faire face à ses responsabilités. Elle avait beau avoir vingt-quatre ans, dans cette situation, elle avait l'impression de retomber en enfance. Comme quand son père l'engueulait pour les bêtises qu'elle avait bien pu faire. Cette bêtise était la pire de toute. Cette fois-ci, ce n'était pas un vase cassé ou une plante déracinée, mais une vie humaine perdue. Et cela par son unique faute. La porte de la chambre s'ouvrit et laissa entrer trois infirmières ainsi que deux employés de la morgue hospitalière. Ils se mirent autour du lui afin de déplacer le macchabée. Le médecin se décala légèrement pour donner ses instructions et se retourna vers Malory après quelques secondes. « Mademoiselle Hartwood, vous êtes virée. » Elle hocha légèrement la tête avant de sortir de la chambre pour aller s'enfermer dans les toilettes. Se fixer dans le miroir avant de fondre en larmes. C'était bien la pire connerie qu'elle avait pu faire dans toute sa vie.

« Doux Jésus, mais qu’est-ce que c’est que ça ? » Malory haussa les épaules avec un grand sourire innocent. « Ma nouvelle voiture, » répondit-elle s'en prendre de pincettes. « Elle est belle n'est-ce pas ? J'ai craqué en la voyant. La type R coûtait trop cher, mais elle, elle est parfaite ! » Sa mère posa sa main contre sa bouche pendant que la jeune femme était en train de l'admirer une énième fois. Dans cette voiture, elle venait de claquer une énorme somme d'argent qu'elle avait réussi à économiser depuis son adolescence, mais au fond, elle s'en fichait. Elle était fière de son investissement et savait qu'elle ne l'avait pas fait pour rien. « Elle en jette Malory, » intervint Andy, le fiancé de sa sœur. « N'est-ce pas, » dit fièrement la blonde en lui faisant un clin d'œil. Elle fit abstraction du pincement au cœur qu'elle ressentait comme à chaque fois qu'il lui adressait la parole et se remit à admirer son nouveau bébé. Avec cet engin entre les mains, elle allait pouvoir mettre son plan à exécution. Ça faisait quelques jours que cette idée la hantait et cette voiture avait enfin réussi à la décider pour de bon. C'était un coup de tête. Une folie qu'elle regretterait peut-être dans quelques mois, mais sa place n'était plus à New-York, elle en était sûre. « Pourquoi cette folie ? » Malory tourna la tête vers Eden, sa sœur, qui s'était postée à côté d'elle. Avec un sourire, elle hocha légèrement les épaules. À elle, elle ne pouvait rien cacher. Ou du moins, presque tout. « Je m'en vais. » Elle reporta son regard sur le véhicule, sans perdre son sourire. « Tu t'en vas ? Mais où ça ? » « J'en sais rien. En Californie, au Texas, au Nouveau-Mexique.. J'ai envie de changement, je veux voir du pays. » La cadette des Hartwood regarda sa sœur septique. N'y croyant pas réellement. « Comme ça, du jour au lendemain ? Et qu'est-ce que tu fais de ton appartement ? De ta carrière, de nous ? » L'aînée resta un instant muette avant de se tourner vers son interlocutrice. « J'ai ruiné ma carrière. Et j'ai déjà trouvé un acheteur pour l'appartement. Eden.. J'en ai besoin. J'ai besoin de partir, vraiment. » Elle la prit instinctivement dans ses bras et la serra fort pendant de longues secondes. Comme elle aimait le faire pour la réconforter. Elle avait toujours essayé de jouer le rôle de la grande-sœur parfaite. Elle avait toujours voulu qu'elle soit fière d'elle, elle avait toujours voulu rester à ses côtés pour la protéger, mais aujourd'hui, son fiancé pouvait prendre sa place. Elle savait qu'elle la laissait entre de bonnes mains. « Je t'aime Eden. Je te promets de te téléphoner tous les jours. Tu sais très bien que tu ne pourras pas te débarrasser de moi si facilement. » Elle se recula en riant, pour admirer le sourire que sa cadette venait enfin d'esquisser. « Tu n'en fais toujours qu'à ta tête. Papa ne pourra jamais s'en remettre. » « Et maman alors ? » Elles rirent en même temps, avant de reprendre leur sérieux. « Je reviendrai. Tu ne crois quand même pas que je vais louper ton mariage ? » Malory lui ébouriffa un peu les cheveux avant d'aller se poster à côté de leur génitrice pour lui vanter les mérites de sa nouvelle voiture. Cette décision qu'elle venait de prendre, était la plus importante de toute sa vie. Un coup de tête. Une fuite, pour pouvoir tourner la page et oublier. Bien que cela était totalement impossible.